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HALTE AUX VIOLENCES FAITES AUX « FEMMES »

La violence, sous quelque forme qu’elle se présente est une abomination.

De ce point de vue, il me parait indiscutable et je l’ai déjà beaucoup écrit, y compris sur ce Blog, que la politique pénale menée dans ce pays contre toutes les formes de la violence manque fâcheusement de l’efficacité et de la sévérité qui seraient nécessaires. Il est, en effet, manifeste que tous les dispositifs faits pour atténuer soit la rigueur du droit pénal, soit celle de la procédure pénale, soit celle de l’exécution des peines profitent essentiellement aux infractions de violence alors qu’ils devraient, au minimum, être limités, voire supprimés dans leur extension et leurs effets à l’égard de cette forme de délinquance. Il reste une thèse à faire sur la violence telle qu’elle est traitée par Code pénal de 1992. J’avais bien proposé à un candidat au doctorat de la faire mais il n’a pas abouti pour des raisons personnelles.

Cela étant dit, ce n’est certainement pas par l’oubli ou, pire, le travestissement de la réalité des choses qu’il faut commencer et, de ce point de vue la répétition permanente d’une nécessité de lutter contre les violences faites aux « femmes » lorsqu’on traite, en réalité, des violences domestiques peut en agacer plus d’un dont je suis.

Il ne faut pas perdre de vue, en effet, que, selon les statistiques officielles, les hommes représentent 17% des victimes d’infractions domestiques. C’est, certes, une minorité mais pas une minorité négligeable et on se demande bien comment elle peut, en permanence être oubliée dans les nombreuses déclarations d’un secrétaire d’Etat qualifié de « à l’égalité des hommes et des femmes ».

Et cela d’autant plus que ce chiffre officiel est très probablement fortement sous-évalué.

Pour les violences physiques ou sexuelles, on ne cesse de répéter qu’il est très difficile pour les femmes de porter plainte. Mais croit-on vraiment qu’il est simple pour un homme de se rendre au commissariat de police pour dire qu’il est maltraité par sa compagne ? S’il y a un chiffre noir pour infractions commises contre les femmes, il y a tout lieu de penser que celui-ci est beaucoup plus élevé pour les infractions du même type commises contre les hommes.

Quant au pire, les homicides, on a de forte raisons de penser qu’ils échappent largement à leur qualification véritable lorsque la victime est un homme.

Quoiqu’en dise les maniaques du genre et de l’uniformité, les hommes et les femmes sont différents, notamment, dans la majorité des cas (il y a toujours des exceptions) sur le plan de la force physique. Quand un homme veut tuer sa compagne, il le fait généralement lui-même. Quand une femme veut voir mourir son compagnon, elle le fait tuer par un autre, le plus souvent son amant et le meurtre est enregistré comme meurtre ordinaire puisque l’auteur et la victime n’ont pas de lien de famille. Il n’est donc pas recensé comme meurtre domestique.

Qu’on veuille faire de la lutte contre les violences domestiques une cause particulière, pourquoi pas. Toute forme de lutte efficace contre la violence est bienvenue. Mais qu’on cesse de ne parler que des violences faites « aux femmes ». Et surtout que l’on n’oublie pas que les vraies victimes ce sont les enfants.

ATTENTION VOL

Un certain nombre de faits récents et apparemment disparates amènent à penser qu’on se trouve dans une période de banalisation du vol susceptible de conduire à une dépénalisation ou à une moindre pénalisation de celui-ci, au moins dans certaines circonstances, sans bien en avoir mesuré les conséquences possibles.

Il y a eu, d’abord, la dernière « Loi Taubira » qui n’a pas fait que créer la contrainte pénale sur laquelle tout le monde s’est focalisé. La loi du 15 août 2014 a, en effet, autorisé les officiers de police judiciaire, dès le stade de l’enquête, à transiger sur la poursuite du vol (donc à éviter des poursuites pénales) lorsque la valeur de l’objet volé sera inférieur à un seuil qui devra être fixé par décret.
La presse s’est ensuite fait l’écho de curieux « accords » qui vont jusqu’à être écrits, entre des centres commerciaux, leurs agents de « sécurité » et les autorités et qui prévoient de ne pas donner de suite à des vols, si la valeur des objets volés est inférieure à 150115une certaine somme150 et qu’ils sont restitués (comment faire autrement si l’on s’est fait prendre ?). Seule la réitération (comment en établira-t-on la réalité ?) ou une valeur supérieure donnerait lieu à des suites judiciaires.
Ces informations ont été confirmées par les assemblées de membres du parquet et des premiers présidents de cours d’appel, faisant connaitre le dénuement de leurs juridictions, et se disant être obligés d’établir des « priorités » ce qui veut dire, en clair, de négliger certains contentieux parmi lesquels figure manifestement le vol. Les informations provenant des parquets de Créteil et de Bobigny, qui gèrent une grosse partie de la délinquance de la Région parisienne sont particulièrement inquiétantes puisqu’on peut pratiquement en déduire qu’on ne poursuit plus réellement, et en tout cas qu’on ne punit plus le vol simple.

L’idée n’est pas nouvelle et elle figurait déjà en bonne place dans la loi « Sécurité et liberté » 1981 pourtant dénoncée, à l’époque, comme « liberticide ». Celle-ci a, d’abord, considérablement diminué les peines encourues par l’infraction de vol, solution conservée par le nouveau Code pénal en sorte que le vol est aujourd’hui, au moins s’il n’y a pas de circonstances aggravantes, la moins punie des infractions classiques contre les biens. Dans le même ordre d’idées et cela nous rapproche de la tendance actuelle, le projet de cette loi allait même jusqu’à transformer en contravention le vol dans les grands magasins et l’on ne doit qu’à la clairvoyance du Sénat d’avoir évité cette bévue. Il est vrai que certains « criminologues » (auto-proclamés comme tous puisque le titre n’est pas protégé) prônent une totale décriminalisation du vol dans les grandes surfaces aux motifs que les choses ainsi dérobées sont de faible valeur (ce qui est une pétition de principe) et qu’elles sont laissées à la libre appréhension du public créant ainsi une tentation à laquelle il serait sinon légitime du moins compréhensible de ne pas résister (mais ce qu’on reproche à un délinquant n’est-il pas précisément de ne pas savoir résister à ses tentations antisociales ?). Quels que soient les arguments moraux (?) ou économiques avancés (les magasins incluent le montant des vols dans leur prix de revient ce qui, soit dit en passant, fait bon marché, dans le raisonnement, de l’intérêt des clients honnêtes), il ne faut pas perdre de vue que ce type d’argumentaire fait totalement abstraction du rôle joué par le vol comme vecteur des infractions contre les personnes.

La responsabilité des juristes classiques (ceux des XIXe et de la première partie du XXe siècle) dans cette analyse est écrasante, car c’est l’époque où il était de bon ton de ridiculiser la criminologie alors que s’il est clair que celle-ci n’est pas tout (comme le disait, à l’époque aussi, il est vrai, ses principaux chantres), elle met tout de même en évidence un certain nombre de réalités. La dite doctrine juridique classique n’a eu de cesse de mettre en lumière la parenté de droit des trois principales infractions contre les biens que sont le vol, l’escroquerie et l’abus de confiance au point de les appeler, en jargon de spécialiste de Droit pénal spécial, « les trois glorieuses ». Or, si ces infractions sont bien trois façons de porter atteinte à la propriété d’autrui, elles présentent essentiellement, sur le plan criminologique, des différences, leur mode de réalisation les opposant catégoriquement.

Le vol est une infraction de soustraction d’une chose alors que l’escroquerie et l’abus de confiance sont des infractions d’abus de la crédulité des personnes. C’est dire que déjà, dans leur mode de réalisation, le vol se sépare des deux autres infractions, en ce qu’il est intrinsèquement et indépendamment de ses autres modes de réalisation, une infraction de violence par opposition à deux infractions astucieuses. La Cour de cassation le répète depuis 1937bien longtemps  1837 : voler c’est « prendre, enlever, ravir ».
Mais le vol s’oppose surtout à l’escroquerie et à l’abus de confiance par le contexte dans lequel il se développe. S’il est vrai, ainsi que l’a relevé le Conseil constitutionnel, que le vol ne porte pas « nécessairement » atteinte aux personnes, il n’en demeure pas moins qu’il le fait très souvent.

Quelques exemples.
Quand une femme (parce que c’est généralement à une femme que cela arrive), qui vient de se faire arracher son sac à main par un motard qui circulait sur le trottoir, se rend au commissariat de police elle ne dit pas « On vient de me voler mon sac », elle dit « J’ai été agressée ». Et elle a raison car si la bandoulière du sac à main n’avait pas cédé, elle aurait pu être trainée, blessée voir tuée pour peu que sa tête rencontre la bordure en ciment d’un arbre. Ils auraient alors eu l’air malin ceux qui s’obstinent à traiter les voleurs à l’arraché de « petits délinquants ».
Et une semaine de lecture des journaux de province, qui consacrent davantage de place aux faits divers, ne pourrait manquer de rapporter une histoire du genre de celle-ci. Un gamin qui volait un jeu électronique ou un DVD dans un supermarché s’aperçoit qu’il est dans le champ d’une caméra. Il prend peur et se met à courir vers la sortie. Il bouscule une poussette ou une personne âgée et le bébé éjecté ou la vieille dame se blessent gravement contre une gondole. Parce qu’il est bien vu dans son quartier d’avoir un couteau sur lui, il le sort, menace la caissière et fini par en donner un coup au vigile qui tentait de l’arrêter. Tout ça probablement pour une valeur bien peu élevée.
Et la dangerosité du vol continue même pour les délinquants plus affirmés qui ont bien dû commencer un jour par quelque chose et qui la plupart du temps, commencent par le vol simple, puis utilisent les atteintes aux personnes pour voler. Les statistiques policières révèlent, en effet, que le vol est la première (environ 40 quarante pour cent) des sources de violences contre les personnes commises soit pour le préparer, soit en l’exécutant, soit pour s’enfuir, soit pour régler des comptes entre protagonistes. C’est ce que montre l’étude des carrières criminelles de ceux qui deviendront, ensuite, de grands délinquants contre les personnes. Et l’on rencontre une nouvelle banalisation du vol dont les événements les plus récents donnent une claire illustration. On a dit qu’Amedy Coulibaly avait été condamné et emprisonné pour vol en réunion et avec port d’arme. Et les plus critiques se sont focalisés sur le temps d’emprisonnement qui lui avait été effectivement appliqué par rapport avec celui auquel il avait été condamné. C’est une chose à ne pas négliger, mais ce qu’il fallait voir, surtout, c’est que le vol avec port d’arme constitue un crime alors que Coulibaly n’a jamais été traduit en cour d’assises, ce qui permettait de le considérer toujours comme un « petit » délinquant et est peut-être à l’origine de la légèreté de sa surveillance. Car lorsque les parquets ne laissent pas purement et simplement tomber les poursuites pour vol, on le correctionnalise, c’est-à-dire qu’on oublie opportunément de mentionner dans la procédure les circonstances aggravantes qui les transformeraient en crime. Que les cours d’assises n’aient pas la capacité de juger tout ce qui constitue réellement des crimes est connu de tous. Mais une fois de plus, et dans les choix qu’on est désespérément obligé de faire, il faut être rationnel et traiter en fonction des infractions commises et de ce que l’on sait de leurs auteurs. Or il semble que c’est toujours le vol qui est passé, à tort, par pertes et profits.

Morale de tout cela :
a1) un vol n’est jamais anodin et il faut intervenir dès qu’il s’en produit un ;
b2) La gravité du vol n’a rien à voir avec le montant matériel des objets volés.
c3) Cette gravité ne doit jamais être sous-évaluée notamment lorsque l’intéressé n’est pas un débutant.

Ces observations devraient donc conduire, en matière de politique pénale, à un régime juridique du vol qui, d’une part, suppose qu’on ne le prenne jamais à la légère et, d’autre part, qu’on lui donne un régime plus sévère que celui des deux autres infractions classiques contre les biens. Punir sévèrement le vol pour dissuader d’y recourir ne témoigne pas d’un attachement forcené à la protection de la propriété privée, mais constitue un bon moyen, peut-être le meilleur, de protéger l’intégrité corporelle des personnes. Car si le vol est juridiquement une infraction contre les biens, il est criminologiquement une infraction contre les personnes dont il menace toujours, même s’il ne l’atteint que parfois, l’intégrité corporelle.

Cela n’a jamais été fait par la loi puisque le vol est la moins punie des principales infractions contre les biens.
Cette solution irrationnelle a été adoptée au résultat de présupposés idéologiques en parfaite contradiction avec la réalité démontrée par la criminologie. L’idée est qu’il serait injuste de punir le vol plus que l’escroquerie et l’abus de confiance parce que les infractions violentes, dont le vol en l’occurrence, seraient le fait d’éléments défavorisés de la société alors que les infractions astucieuses, dont l’escroquerie et l’abus de confiance, seraient commises par des « cols blancs ». Une répression plus sévère du vol serait donc l’indice d’une « justice de classe ».
Cette affirmation ne repose sur aucune réalité tangible. Le vol est commis par des auteurs appartenant à toutes les classes sociales ; quant à l’escroquerie, les plus importantes de ces dernières années, sont des escroqueries aux prestations sociales souvent commises par ceux que l’on déclare les plus démunis.
Mais surtout, la remarque, même si elle était exacte, négligerait ce qui doit être l’objectif de toute politique pénale : lutter contre ce qui est le plus dangereux et le plus grave sur les plans individuel et social. En admettant que quelqu’un trouve dans son origine familiale ou sociale toutes les justifications à se mal conduire (ce qui n’a jamais été démontré), on ne peut raisonnablement admettre qu’il menace, blesse ou tue son prochain. Or c’est à cela que l’on aboutit en se montrant tolérant à l’égard du vol.
L’idée contraire, plus réaliste, semblait commencer à faire son chemin ainsi qu’en témoigne une décision récente du Conseil constitutionnel. Saisie d’une requête en QPC estimant que les prolongations exceptionnelles de la garde à vue en matière de délinquance organisée ne se justifiaient pas pour l’escroquerie, même commise en bande organisée, la Chambre criminelle a transmis au Conseil constitutionnel une demande qu’elle a jugée sérieuse au motif que l’escroquerie ne porte pas atteinte, en elle-même, à la sécurité, la dignité ou la vie des personnes et que le délai prolongé est donc susceptible de porter une atteinte disproportionnée à la liberté individuelle. Et le Conseil constitutionnel lui a donné raison. Il se déduit nécessairement de ces décisions que le vol, lui, peut porter atteinte, en lui-même à la sécurité ou à la vie des personnes.

Malheureusement et même si l’on en vient à renforcer le régime juridique du vol poursuivi, les faits rappelés en commençant montrent que la pratique s’oriente vers la négligence des premiers vols commis au nom de la valeur infime de leur objet alors que celle-ci n’est pas une donnée significative et qu’une absence de prise en compte ne peut qu’inciter leurs auteurs à récidiver.

Si la pauvreté des juridictions doit nécessairement les amener à définir des « priorités », la négligence du vol, quel qu’il soit, n’est certainement pas le bon choix. De même, l’utilisation des alternatives à la poursuite (le « rappel à la loi » : est-il vraiment utile de rappeler qu’on ne doit pas prendre le bien d’autrui ?), les procédures rapides, le jugement à juge unique, la correctionnalisation quasi-systématique de vols criminels et les allègements systématiques de peines, quand il arrive qu’il en soit prononcé, devraient être exclus en matière de vol.

TRAVAIL DOMINICAL…

 Et les enseignements de la criminologie ?

Un des maux de la société française (mais peut-être de toute société sophistiquée) est son abusive sectorisation. Les problèmes sont traités (quand ils le sont) par leurs spécialistes sans qu’ils songent à s’interroger sur les éventuelles connexions avec d’autres problèmes et les interactions qu’ils pourraient avoir.

L’actualité peut parfois ramener à cette rencontre.

L’insécurité revient sur le devant de la scène publique comme elle n’y avait pas été présente depuis longtemps, et, au sein de celle-ci, la place de plus en plus grande et de plus en plus préoccupante qu’y prennent les enfants mineurs.
Par ailleurs, on s’interroge sur la possibilité de travailler le dimanche et en horaires décalés.
Et il n’est venu à l’idée de personne de faire le lien, pourtant bien réel, entre les deux choses, dans une société où les prétendus « criminologues » foisonnent d’autant plus que le titre n’étant pas protégé chacun peut s’autoproclamer sans risque.

Il y a quarante ans, quand la délinquance des mineurs a commencé à croître significativement, les criminologues, les vrais, qui n’étaient pas encore pervertis par le politiquement correct, relevaient la corrélation statistique manifeste qu’il y avait entre la montée de la délinquance des mineurs et celle de ce qu’ils appelaient « le travail de la mère à l’extérieur ». Cette formule ferait aujourd’hui bondir beaucoup de femmes mais elles n’auraient qu’en partie raison. Ce qui est discutable c’est l’expression d’un phénomène qui n’en est pas moins exact pour le surplus. Une cause importante de la délinquance des mineurs ne tient pas, en effet, au travail de la mère à l’extérieur mais au fait que désormais les deux parents se sont mis à travailler à l’extérieur, laissant très (trop) tôt les enfants largement abandonnés à eux-mêmes une grande partie du temps. La preuve en est fournie par des contre-exemples étrangers : celui du Japon où l’irruption du travail maternel n’a jamais eu l’effet observé ailleurs, dans le monde développé, parce que les grand-mères ont pris le relais des mères nouvelles travailleuses et celui des pays nordiques où il est considéré comme normal que le père reste au foyer alors que la mère travaille. La démonstration est alors faite et elle repose sur le plus parfait bon sens : l’enfant a besoin d’avoir, le plus possible et dans l’idéal en permanence, au moins un proche qui s’occupe de lui.

Et qui ne voit alors les ressources que peut offrir aux familles le travail du dimanche ou du soir pour les membres d’un couple ? Car ce travail décalé, dont tout le monde s’accorde à penser qu’il n’est pas strictement normal, mérite des compensations qui peuvent être non seulement des avantages salariaux mais aussi un aménagement des périodes de travail qui permettrait, entre autres choses, aux parents de s’organiser pour se relayer auprès de leurs enfants. Et il n’est peut-être pas excessif de penser que, compte tenu de ce qu’est la famille aujourd’hui, le travail du dimanche est la meilleure façon d’assurer le bien-être de ces enfants en leur octroyant, à tous leurs moments passés au foyer familial, la présence d’un de leurs parents, car il vaut mieux un parent tout le temps que deux parents quelquefois. Quant aux nombreuses familles monoparentales, le travail hors normes du parent unique pourrait lui fournir l’occasion de confier ses enfants à d’autres membres de sa famille élargie qui ne se trouvent pas dans cette situation, ce qui lui permettrait de se libérer le soir et le mercredi.
Il reste, bien entendu, les époux eux-mêmes. Mais leurs horaires ne sont pas ceux d’enfants et en admettant que le travail et le transport prennent cinquante heures par semaine, il  en resterait encore cent dix-huit pour le couple. Et il n’a jamais été dit que ce mode de vie devait être mené en permanence, l’éducation des enfants ne prenant, en moyenne qu’une quinzaine d’années d’une vie.

C’est donc par un aveuglement évident que l’on voit condamner le travail du dimanche au nom de la préservation de la vie de famille. On peut certes préférer une organisation familiale de type traditionnel dans laquelle le père assure la subsistance d’une famille dont la mère reste au foyer pour élever les enfants tandis qu’ils partagent tous la promenade dominicale. Mais, qu’on en soit heureux ou non, il y a belle lurette que ce modèle a vécu. Et il n’est pas moins intéressant de noter que ceux qui le mettent en avant, dans le débat d’aujourd’hui, sont aussi ceux qui l’ont le plus violemment critiqué et combattu dans le passé et ont conduit à ce qu’il en soit là où il en est. Il est dès lors plus intelligent et plus efficace de gérer au mieux les conséquences de cette disparition plutôt que de tenter d’en sauver des bribes.

Reste l’aspect religieux qui, dans une société laïque ne peut être négligé. Avouons que de ce point de vue, je ne partage pas l’opposition de l’Église catholique à laquelle je revendique, par ailleurs, d’appartenir. Il y a bien longtemps que, pour tenir compte des week-ends à la campagne et des loisirs de tous ordres, l’Église a aménagé la messe dominicale, anticipée du samedi ou retardée du dimanche soir. Le travail et l’avantage d’une meilleure organisation familiale valent bien de profiter des mêmes avantages.

Qu’on cesse donc d’invoquer des contre-vérités pour aller contre le désir de la majorité des clients, mais aussi des usagers des services publics qui aimeraient bien qu’ils soient ouverts même le samedi, au moins, des commerçants, des touristes et de la quasi-totalité des salariés concernés qui savent bien, eux, où est leur véritable intérêt.

PROSTITUTION, PROXENETISME, ENFER ET BONNES INTENTIONS

 

Il est difficile de ne pas être surpris, dans notre société, parait-il surinformée, par le manque de curiosité que suscitent certains phénomènes.

L’ensemble de la classe politique est aujourd’hui très agitée par l’examen d’une proposition de loi relative à la prostitution. Or chaque fois que de telles réformes ont été proposées, dans le passé, elles se sont accompagnées de manifestations publiques de prostituées, suivies de leur invitation aux innombrables « talkshow » de l’ensemble de nos médias.

Aujourd’hui, rien.

L’agitation ne touche que la classe politique, le milieu de la prostitution est d’un remarquable silence et personne ne s’en étonne.

La réponse est simple : si le projet peut partager ceux qui y réfléchissent, il donne entière satisfaction au milieu du proxénétisme (et même, d’ailleurs, au milieu tout court) qui n’a donc pas vu l’intérêt de lancer ses troupes dans la rues et sur les plateaux.

 

Car il est fondamental d’avoir en permanence à l’esprit qu’il n’y a pas de prostitution sans proxénétisme. Si un tout petit nombre des prostituées habituellement invitées à s’exprimer sont probablement sincères quand elles viennent dire qu’elles n’ont jamais vu un proxénète, qu’elles ont choisi librement leur activité et qu’elles s’y épanouissent pleinement, ce n’est pas parce qu’elles exercent hors du proxénétisme, mais parce que le proxénétisme, qui ne les ignore pas, les a délibérément laissées libres d’exercer de cette façon, parce que de cette façon, elles le servent. Celles qui ne cesseront pas à temps d’exercer en libéral seront un jour ou l’autre récupérées et sont, en toute hypothèse, observées. C’est la raison pour laquelle on ne doit traiter le problème de la prostitution que dans la perspective du proxénétisme.

 

Mais tant d’absurdités juridiques et criminologiques sur la prostitution aussi bien de la part des défenseurs du texte que de ses détracteurs ont été dites, ces derniers jours, qu’il convient d’en dire un mot avant de s’attacher au projet lui-même.

Sans le moindre espoir de réussir, il faut tout de même, quand on est conséquent avec soi-même et la sociologie redire que la prostitution n’est pas « le plus vieux métier du monde ». Il y a tout lieu de penser que les premiers métiers ont été ceux de boucher (pour ceux qui ne pouvaient pas chasser), poissonnier, armurier et quincailler, enfin, vendeur de « primeurs »  et possiblement gourou. Pour que la prostitution existe il faut que la société soit suffisamment sophistiquée pour avoir codifié des rapports sexuels considérés comme normaux, ce qui amène à la création de rapports qui échappent à ces règles. Dans l’histoire de l’humanité, c’est certainement tardif. Il me semble qu’il fallait le redire mais ce n’est pas l’essentiel.

La lecture de la plupart des déclarations de celles (car ce sont « celles ») qui ont promu le texte, est profondément agaçante. Toutes ces personnes de bonne volonté qui veulent voler au secours des prostituées oublient, en effet (ignorance ou volonté délibérée ?) qu’il existe une prostitution masculine sans doute au moins aussi importante que l’autre et qui mérite tout autant que l’on s’intéresse à elle. Étant entendu qu’il n’existe aucun chiffre sérieux relatif à la prostitution quelle qu’en soit la forme ou la prise en charge, on doit remarquer, en effet, qu’alors que la prostitution féminine homosexuelle est quasiment inexistante, la prostitution masculine est couramment, elle, à la fois homo et hétéro sexuelle, le racolage public, notamment dans certains lieux de la capitale étant essentiellement masculin. Il faut donc savoir si l’on veut défendre les femmes ou lutter contre la prostitution car les instruments à mettre en place ne sont pas du tout les mêmes.

On peut envisager de pénaliser les clients, mais on voit mal quel lien existe entre la création de cette infraction et la suppression corrélative de celle de racolage public que la proposition de loi relie, tant elles n’ont aucun rapport l’une avec l’autre.

La pénalisation du client est une vieille lune de la criminologie. Son but est de moralisation : « responsabiliser » les demandeurs sur le sort des « femmes » (toujours) prostituées, ce que confirme la création, dans le projet de loi actuel d’une peine complémentaire de « stage de sensibilisation » (le ridicule n’a pas de limite). Mais cette nouvelle infraction serait davantage en rapport avec une société Victorienne qu’avec une société post soixante-huitarde libérée, d’où la réaction des « 343 salauds » et d’EELV intellectuellement cohérents, eux.

On nous dit, mais c’est, comme d’habitude dans ce domaine, difficilement vérifiable car le phénomène, s’il existe, pourrait s’expliquer par bien d’autres facteurs, que dans les pays nordiques où l’on pratique la méthode, cela a fait disparaitre la moitié de la prostitution de rue. Il ne faudrait tout de même pas être assez naïf pour ne pas comprendre que cette prostitution, qui n’est plus « de rue » s’est déplacée ailleurs et qu’elle n’a donc nullement diminué.

Le racolage public parait moins orienté, a priori vers la prostitution que vers l’ordre public. Il s’agit d’éviter le désordre récurrent de la « péripatéticie » et son cortège d’encombrements automobiles. Pour autant, il est lui, un vrai moyen de lutte contre le proxénétisme. Il faudrait que les bonnes âmes cessent de pleurer sur les malheurs des prostituées rançonnées par l’État via sa police. Car il faut être tout de même bien gogo pour croire que ce sont les prostitués qui paient les amendes qui leurs sont, d’ailleurs peu souvent et parcimonieusement attribuées pour racolage. Ils n’en auraient, d’ailleurs pas les moyens. Les amendes pour racolage ce sont des frais généraux de l’activité qui viennent en déduction des bénéfices et c’est la raison pour laquelle, dès qu’on envisage d’augmenter le périmètre de l’infraction, le proxénétisme sort ses bataillons. Supprimer le racolage c’est faire un cadeau au proxénétisme et même au milieu, en général, le Ministre de l’intérieur, qui a du bon sens, lui, ayant fait remarquer qu’en le supprimant on perd une appréciable source de renseignements que la conduite de la procédure permettait d’obtenir.

Le proxénétisme est un trafic. Pour gêner un trafic il n’existe qu’une seule méthode : lui faire perdre de sa rentabilité. L’incrimination du racolage avec des peines uniquement pécuniaires et une application effective, est un bon moyen de lutte contre l’exploitation des prostitués que quelques bonnes âmes, sans doute sincères, sont en train de faire perdre

Sans être fidèle de Marine le Pen, on ne peut enfin nier le rapport ici clairement établi entre la prostitution et l’immigration clandestine. On dit (ce chiffre est douteux, comme tous les autres et n’offre qu’un ordre de grandeur) que 90 % des femmes prostituées à Paris sont des étrangères en situation irrégulière mais il ne semble venir à l’idée de personne qu’un bon moyen de lutter contre le proxénétisme serait alors de mieux surveiller les entrées en Europe. Pire. Toujours avec d’excellentes intentions, les promoteurs de la réforme envisagent d’étendre la possibilité qui existe déjà de régulariser les prostitués en situation irrégulière qui dénoncent leur réseau. Ne voit-on pas qu’en faisant cela et en faisant de la publicité autour de ces dispositions, on risque de faire germer dans des esprits faibles l’illusion du : « je vais venir dans le cadre d’une filière de proxénétisme ; j’exercerai quelques temps ; puis je m’échapperai, je les dénoncerai et je serai régularisé ». Et les malheureux seront en esclavage aussi longtemps qu’ils seront en état de servir. Bravo pour ceux qui disent voter le texte par souci humanitaire.

 

Il restera éternellement vrai que l’enfer est pavé de bonnes intentions et il y aura toujours ceux que Lénine qualifiait d’« idiots utiles ».