Et les enseignements de la criminologie ?
Un des maux de la société française (mais peut-être de toute société sophistiquée) est son abusive sectorisation. Les problèmes sont traités (quand ils le sont) par leurs spécialistes sans qu’ils songent à s’interroger sur les éventuelles connexions avec d’autres problèmes et les interactions qu’ils pourraient avoir.
L’actualité peut parfois ramener à cette rencontre.
L’insécurité revient sur le devant de la scène publique comme elle n’y avait pas été présente depuis longtemps, et, au sein de celle-ci, la place de plus en plus grande et de plus en plus préoccupante qu’y prennent les enfants mineurs.
Par ailleurs, on s’interroge sur la possibilité de travailler le dimanche et en horaires décalés.
Et il n’est venu à l’idée de personne de faire le lien, pourtant bien réel, entre les deux choses, dans une société où les prétendus « criminologues » foisonnent d’autant plus que le titre n’étant pas protégé chacun peut s’autoproclamer sans risque.
Il y a quarante ans, quand la délinquance des mineurs a commencé à croître significativement, les criminologues, les vrais, qui n’étaient pas encore pervertis par le politiquement correct, relevaient la corrélation statistique manifeste qu’il y avait entre la montée de la délinquance des mineurs et celle de ce qu’ils appelaient « le travail de la mère à l’extérieur ». Cette formule ferait aujourd’hui bondir beaucoup de femmes mais elles n’auraient qu’en partie raison. Ce qui est discutable c’est l’expression d’un phénomène qui n’en est pas moins exact pour le surplus. Une cause importante de la délinquance des mineurs ne tient pas, en effet, au travail de la mère à l’extérieur mais au fait que désormais les deux parents se sont mis à travailler à l’extérieur, laissant très (trop) tôt les enfants largement abandonnés à eux-mêmes une grande partie du temps. La preuve en est fournie par des contre-exemples étrangers : celui du Japon où l’irruption du travail maternel n’a jamais eu l’effet observé ailleurs, dans le monde développé, parce que les grand-mères ont pris le relais des mères nouvelles travailleuses et celui des pays nordiques où il est considéré comme normal que le père reste au foyer alors que la mère travaille. La démonstration est alors faite et elle repose sur le plus parfait bon sens : l’enfant a besoin d’avoir, le plus possible et dans l’idéal en permanence, au moins un proche qui s’occupe de lui.
Et qui ne voit alors les ressources que peut offrir aux familles le travail du dimanche ou du soir pour les membres d’un couple ? Car ce travail décalé, dont tout le monde s’accorde à penser qu’il n’est pas strictement normal, mérite des compensations qui peuvent être non seulement des avantages salariaux mais aussi un aménagement des périodes de travail qui permettrait, entre autres choses, aux parents de s’organiser pour se relayer auprès de leurs enfants. Et il n’est peut-être pas excessif de penser que, compte tenu de ce qu’est la famille aujourd’hui, le travail du dimanche est la meilleure façon d’assurer le bien-être de ces enfants en leur octroyant, à tous leurs moments passés au foyer familial, la présence d’un de leurs parents, car il vaut mieux un parent tout le temps que deux parents quelquefois. Quant aux nombreuses familles monoparentales, le travail hors normes du parent unique pourrait lui fournir l’occasion de confier ses enfants à d’autres membres de sa famille élargie qui ne se trouvent pas dans cette situation, ce qui lui permettrait de se libérer le soir et le mercredi.
Il reste, bien entendu, les époux eux-mêmes. Mais leurs horaires ne sont pas ceux d’enfants et en admettant que le travail et le transport prennent cinquante heures par semaine, il en resterait encore cent dix-huit pour le couple. Et il n’a jamais été dit que ce mode de vie devait être mené en permanence, l’éducation des enfants ne prenant, en moyenne qu’une quinzaine d’années d’une vie.
C’est donc par un aveuglement évident que l’on voit condamner le travail du dimanche au nom de la préservation de la vie de famille. On peut certes préférer une organisation familiale de type traditionnel dans laquelle le père assure la subsistance d’une famille dont la mère reste au foyer pour élever les enfants tandis qu’ils partagent tous la promenade dominicale. Mais, qu’on en soit heureux ou non, il y a belle lurette que ce modèle a vécu. Et il n’est pas moins intéressant de noter que ceux qui le mettent en avant, dans le débat d’aujourd’hui, sont aussi ceux qui l’ont le plus violemment critiqué et combattu dans le passé et ont conduit à ce qu’il en soit là où il en est. Il est dès lors plus intelligent et plus efficace de gérer au mieux les conséquences de cette disparition plutôt que de tenter d’en sauver des bribes.
Reste l’aspect religieux qui, dans une société laïque ne peut être négligé. Avouons que de ce point de vue, je ne partage pas l’opposition de l’Église catholique à laquelle je revendique, par ailleurs, d’appartenir. Il y a bien longtemps que, pour tenir compte des week-ends à la campagne et des loisirs de tous ordres, l’Église a aménagé la messe dominicale, anticipée du samedi ou retardée du dimanche soir. Le travail et l’avantage d’une meilleure organisation familiale valent bien de profiter des mêmes avantages.
Qu’on cesse donc d’invoquer des contre-vérités pour aller contre le désir de la majorité des clients, mais aussi des usagers des services publics qui aimeraient bien qu’ils soient ouverts même le samedi, au moins, des commerçants, des touristes et de la quasi-totalité des salariés concernés qui savent bien, eux, où est leur véritable intérêt.