PROPOS DIVERS SUR LA LANGUE, BENOIT XVI ET NICOLAS SARKOZY

Selon l’article 2 de la Constitution, la langue de la République est le Français.
Quand on lit ou écoute le plus grand nombre des medias, on ne peut pas ne pas être frappé de leur peu de maîtrise de ladite langue.

On nous a bassinés pendant tout le Pontificat de Benoit XVI avec sa prétendue islamophobie. Celle-ci aurait été manifestée par une phrase d’une conférence que le Pape a donnée dans un colloque scientifique, texte qui, soit dit accessoirement, passait certainement très au-dessus de la tête de ceux qui prétendaient le commenter. Or le Pape n’a jamais prononcé la phrase en question, puisqu’il s’agissait de sa part d’une citation qui n’implique rien quant à une approbation ou désapprobation.

Et voilà qu’on recommence avec l’ex-président de la République auquel on a unanimement, y compris dans la presse qui est censée lui être favorable, reproché une comparaison de la justice française avec la Stasi. Or, il suffit de lire le texte pour voir qu’il s’agissait d’une forme négative, laquelle, en bon français, implique nécessairement que le président déclarait que la France n’est pas comparable à l’état où sévissait la Stasi.
Et tout le monde nous a affirmé que ce dérapage présidentiel allait nuire à l’UMP à l’aube d’élections dans lesquelles le Parti mettait beaucoup d’espoirs. On a vu le résultat : les français paraissent mieux maîtriser leur langue que les élites qui prétendent les éclairer.

Sur le fond, certains ont dit, compte tenu du nombre d’affaires qui lui sont imputées, que l’ex-président avait certainement quelque chose à se reprocher et les autres que sa réaction, pour excessive qu’elle ait été (ici tout le monde était d’accord, y compris ses « soutiens ») traduisait l’exaspération d’un homme à qui on s’efforce de faire supporter des « affaires » imaginaires.

S’il est bien difficile de parler de dossiers que l’on ne connait pas (du moins dans leur intégralité, malgré l’acharnement mis par certains à violer le secret de l’instruction, en toute impunité naturellement), on peut se faire une idée sur une affaire terminée : l’Affaire Bettencourt.

Disons-le tout net : la stratégie de la défense de Nicolas Sarkozy, dans cette affaire, ne nous a jamais paru être la meilleure, même si elle a finalement réussi. Contester la procédure lorsqu’elle n’est pas régulière est tout à fait souhaitable et n’a rien d’infamant, mais c’est inutile quand l’infraction reprochée elle-même ne peut pas exister ce qu’il était élémentaire de soulever ici.

Selon l’article 223-15-2 du Code pénal, l’abus de la vulnérabilité d’une personne consiste à amener celle-ci à « un acte ou une abstention qui lui sont gravement préjudiciables ». Il ne suffit donc pas d’avoir profité d’une manière ou d’une autre d’une personne vulnérable, il faut lui avoir causé un préjudice grave. Et dans toutes les affaires jusqu’à présent jugées, les personnes condamnées de ce chef avaient mis leur victime sur la paille.
Or en admettant même que Madame Bettencourt était vulnérable et que Nicolas Sarkozy ait obtenu d’elle les 100.000 €. qu’on lui reprochait d’avoir empochés, il est évident que les éléments constitutifs de l’infraction retenue n’étaient pas réalisés pour autant, faute d’avoir causé à leur victime un préjudice grave. 100.000€ c’est, en effet à peine, pour Madame Bettencourt de l’argent de poche dont le manque ne risquait pas de compromettre en quoique ce soit son mode de vie.
Des étudiants en droit pénal spécial qui, interrogés sur un semblable cas pratique auraient dit qu’il y avait matière à poursuite, auraient été collés à leur examen. On peine à comprendre comment trois juges d’instruction qu’on dit aguerris ont pu faire dépenser au budget de la justice des dizaines de milliers d’euros de frais à propos d’une situation qui n’en était pas une puisqu’il ne pouvait y avoir d’infraction, quel que soit le nombre des visites que Nicolas Sarkozy a pu faire à Madame Bettencourt, la date et la durée de celles-ci. Et ajoutons, en passant, que cela remet en cause la validité même de la saisie initiale des agendas de Nicolas Sarkozy puisque pour qu’on puisse pratiquer une perquisition il faut qu’on soupçonne une infraction ce qui n’était pas le cas ici.

Que pour des raisons politiques et morales, l’ex-président veuille faire acter qu’il n’a rien demandé ni rien reçu est une chose qu’il n’a, d’ailleurs, même pas obtenue, à proprement parler, de la justice ; une autre est qu’il n’en reste pas moins que même la preuve formelle de l’obtention de la somme en cause n’aurait pas suffi à constituer l’infraction reprochée et que cette seule constatation aurait dû dissuader tout juriste sérieux d’aller au-delà.

Lorsque le Président se dit persécuté par la justice il est bien difficile ici de ne pas lui donner raison et si les autres affaires sont aussi probantes que celle-là, on comprend qu’il soit excédé.

4 réflexions sur « PROPOS DIVERS SUR LA LANGUE, BENOIT XVI ET NICOLAS SARKOZY »

  1. K.

    Professeur Rassat,

    Je suis actuellement étudiant en Master 1 et étudie donc le droit pénal spécial, faute de temps nous n’avons pas eu l’occasion d’étudier l’abus de vulnérabilité, aussi vos propos m’interrogent.

    En effet vous expliquez dans votre article que cette infraction nécessite que l’auteur amène sa victime à « un acte ou une abstention qui lui sont gravement préjudiciables ».

    Or je m’interroge, si mes connaissances sont exactes, en matière d’abus de confiance le texte d’incrimination exige une condition similaire, mais que la Cour de cassation interprète très souplement puisque qu’elle caractérise cette condition dès lors que l’élément matériel de l’abus de confiance est constitué. Elle estime que le préjudice est constitué dès lors que la personne est victime d’abus de confiance, le préjudice étant alors moral.
    Cette interprétation me semble peu rigoureuse (puisque l’on caractérise une condition de l’infraction, par l’existence même de l’infraction ce qui est pour le moins curieux) mais assez logique au fond, le fait d’être victime d’une telle infraction est en soit un préjudice au delà même de l’éventuel préjudice matériel qui existe de toute façon le plus souvent.

    Dès lors voici mes questions :

    Pourquoi la Cour de cassation apprécie elle différemment la condition du préjudice dans des infractions qui pour le peu que j’en connais me semblent relativement similaires ?

    Je pense que la réponse à la première question vient de la façon dont les textes ont été rédigés, dès lors ma deuxième question : pourquoi imposer cette condition du préjudice alors même que le fait d’être victime d’une telle infraction implique de fait un préjudice (au moins moral).

    Ainsi dans le cas d’une personne richissime, imposer une telle condition conduit effectivement comme vous le soulignez à ne pas caractériser l’infraction faute de préjudice.
    Cette façon de raisonner me semble curieuse, je comprends bien que l’on ne puisse pas tout incriminer, mais j’ai du mal à admettre que parce qu’une somme est dérisoire pour la victime il n’y ait pas lieu à sanction, alors même que la somme n’est sans doute pas négligeable pour l’auteur de l’infraction. N’est-ce pas là envoyer un message d’impunité ?

    J’aimerais beaucoup avoir votre avis sur ces questions, aussi j’espère que vous aurez le temps de répondre.

    Bien respectueusement.

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    1. mlr Auteur de l’article

      Trop compliqué pour un examen global.
      Je me permets de croire que votre formation en DPS est assez légère. Je ne sais pas ce que vous voulez faire ensuite, mais je ne peux que vous conseiller de compléter. Il y a plusieurs excellents ouvrages qui existent surement dans la bibliothèque de votre établissement.
      Très rapidement.
      Les deux infractions que vous évoquez n’ont rien de voisines puisque l’une est une infraction contre les biens et l’autre une infraction contre les personnes (c’est au moins l’avis du Code pénal même si je ne trouve pas cela totalement convainquant).
      Vous ne semblez pas à jour de votre connaissance sur le préjudice de l’abus de confiance.
      Et surtout, comme d’autres (y compris d’un niveau très supérieur au vôtre) vous m’affolez par votre conception du PRINCIPE DE LA LEGALITE. La loi est souveraine et s’applique telle qu’elle est, serait-elle absurde (sauf une toute petite soupape de sécurité qui permet à la Cour de cassation de dire EXPRESSEMENT qu’un texte est absurde et qu’elle refuse de l’appliquer. C’est évidemment exceptionnel. A ma connaissance il y a eu deux applications depuis 1810 dont celle, célèbre, relative au règlement qui imposait aux voyageurs de descendre des trains en marche). En l’espèce le texte prévoit que l’acte doit être gravement préjudiciable. Dont acte.
      Pour la suite, je vous donne les références utiles à mon ouvrage de DPS (pas parce que je le considère comme meilleur que les autres mais parce que je le connais mieux que les autres. Je précise qu’il n’est pas tout à fait à jour puisque la nouvelle édition est sous presse, donc en toute hypothèse ne pas acheter mais voir en bibliothèque) : abus de confiance n° 171 et s. Abus de vulnérabilité, n° 298. Et sur le Principe de la légalité, mon Droit pénal général, n°87 et s.
      Bon courage pour la suite.

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  2. tebruc

    Vous avez juridiquement entièrement raison, sauf que vous avez politiquement.
    complètement tort
    Dès le début de la démocratie athénienne, Périclès a vécu le même type de désagréments.
    Le peuple n’a pas besoin de codes, de procédures, de preuves pour condamner. Et la justice qui est rendu aux assises ne s’en embarrassent parfois pas. Il veut que ses chefs soient irréprochables et non attaquables.
    Nous n’en sommes pas là, mais dans d’autres pays, dont la justice est tout autant respectable que la notre, une simple faute morale, sans même qu’elle soit délictueuse, oblige des hommes politiques à la démission et empêchent toute reprise d’activité politique.
    La succession d’affaires de N Sarkozy, même si elles ne peuvent être prouvées jouera nécessairement un rôle quand il voudra se représenter personnellement à une élection nationale.
    Mais qu’elles n’aient pas jouées dans un scrutin local, ou se présentaient des personnalités différentes est tout à l’honneur des français, qui savent distinguer les enjeux.

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    1. mlr Auteur de l’article

      je ne vois pas où est notre désaccord: j’ai dit que moralement et politiquement N. Sarkozy avait intérêt à démontrer qu’il n’avait rien fait, mais cela ne me parait pas une raison pour se laisser poursuivre pour des infractions qui, en toute hypothèse, n’existent pas, d’autant moins qu’un non-lieu n’a jamais voulu dire qu’on n’était pas coupable mais seulement qu’on ne pouvait pas prouver la culpabilité. Il me semble donc qu’il aurait mieux valu mettre tout de suite un terme à la poursuite en démontrant l’inanité juridique de l’accusation, ce qui n’empêchait pas de faire la preuve de son innocence par la voie des médias. C’est personnellement la stratégie que j’aurais suivie. Cela n’a pas été la sienne. Dont acte.
      Mais surtout, tel n’était pas mon propos essentiel qui était de regretter que des juges d’instruction dilapident pour rien les crédits de la justice qui en manque cruellement.

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