NB. Par suite d’un caprice que nous espérons temporaire, le logiciel du fournisseur d’acccès refuse de prendre les nombres en chiffres. Il a donc été nécessaire de les traduite en lettres ce qui rend l’article ci-dessous, commentant des statistiques, particulièrement difficile à lire. Merci à ceux qui le feront quand même mais l’actualité est l’actualité.
L’étude d’impact réalisée pour la loi du dix-sept août deux mille quatorze créant la contrainte pénale, envisageait que celle-ci serait appliquée entre un minimum de huit mille fois et un maximum de vingt mille fois par an. Les chiffres publiés après six mois d’application de la mesure (entre le premier octobre et le trente mars) sont donc particulièrement intéressants.
Ces chiffres font état de cinq cent trente six condamnations à la contrainte pénale prononcées par 100cent tribunaux de grande instance, soit un déficit de trois mille quatre cent soixante quatre condamnations sur le minimum des évaluations annoncées. Autre information intéressante, il ne s’agit pas du traditionnel retard au démarrage puisque le mois de mars, dernier mois des statistiques, fait état de cent six condamnations et reste donc globalement dans la moyenne générale.
La première remarque ne peut que concerner la difficulté de l’exercice d’étude d’impact et donc le caractère très approximatif de ses résultats. Quel que soit le sérieux mis à la réaliser, les résultats se heurteront toujours (du moins espérons-le) à ce qu’il est impossible d’envisager à l’avance, avec une raisonnable certitude, les analyses personnelles faites par des magistrats de chair et de sang et surtout, comme Hercule Poirot, dotés de « petites cellules grises ».
La seconde remarque est évidemment l’échec cuisant de cette mesure présentée par ses auteurs comme devant être l’Alpha et L’Omega de la condamnation pour délit, échec qu’il n’était pas difficile de prévoir.
Toute la doctrine ou presque a fait remarquer que la contrainte pénale n’apportait rien de nouveau par rapport aux mesures qu’il était déja possible d’imposer aux délinquants dans le cadre du sursis avec mise à l’épreuve. Il en est ainsi du plus grand nombre des mesures choisies dans le cadre des contraintes pénales prononcées: l’obligation de se soumettre à des soins qui figure dans quarante-huit pour cent des cas et celle d’exercer une activité professionnelle, de suivre un enseignement ou une formation professionnelle (3737trente-sept pour cent des cas).
Est-ce donc à dire qu’il s’agissait d’un « coup pour rien »?
Il n’en est rien car il reste quelques détails d’application qui sont pour le moins inquiétants.
La principale différence voulue entre la contrainte pénale et le sursis avec mise à l’épreuve était, qu’au moins théoriquement, le sursitaire qui ne se conformait pas à ses obligations risquait de se voir soumis à l’emprisonnement prononcé contre lui pour l’infraction commise et auquel il n’était que sursis. La menace était très théorique compte tenu du faible taux des révocations prononcées et plus encore des révocations totales, mais elle existait. Dans le cadre de la contrainte pénale, aucune condamnation à l’emprisonnement n’est simultanément prononcée pour l’infraction jugée, la juridiction se bornant à prévoir une possibilité d’emprisonnement, dont elle fixe la durée, pour le cas de mauvaise conduite de l’intéressé. Or la durée des emprisonnement prévus, dans les condamnations prononcées pour contrainte pénale, durant les six mois concernés, à été pour vingt-six pour cent des cas comprise entre un et trois mois, dans quarante-huit pour cent des cas, entre quatre et six mois et dans vingt et un pour cent des cas entre sept mois et un an. C’est dire qu’en toute hypothèse le « contraint » pénal et cela quoi qu’il fasse, n’ira pas en prison. Seules, en effet, ont une chance d’être mises à exécution effective les peines de plus de deux ans, et encore, comme vient de le préciser la Cour de cassation, de deux ans « nets » (déduction faite d’une éventuelle détention et du calcul des crédits de réduction de peine annoncés à tout incarcéré, à son entrée, ce qui peut facilement monter jusqu’à une condamnation à trois ans).
La seconde information inquiétante est celle qui concerne les délits pour lesquels la mesure a été choisie. les trente-trois pour cent de contentieux routier demanderaient, pour émettre une opinion, d’être davantage précisés. Les sept pour cent d’infractions en rapport avec les stupéfiants amènent à espérer qu’il ne s’agissait que de consommation et pas de trafic. Mais les trente-trois pour cent de faits de violences volontaires et les dix pour cent d’atteintes aux biens concernant essentiellement des vols, sont inacceptables. S’il y a bien un domaine qui devrait, par principe, échapper à ce type de mesures c’est celui de la violence. Car proposer à l’encontre d’un violent quelque chose qu’il ressentira comme n’étant « rien » ne peut que l’inscrire dans la pente qui le conduira à recommencer.
Révélée inutile par ces statistiques, compliquée et dans certains cas dangereuse, la contrainte pénale devra nécessairement être, au minimum repensée. C’est manifestemenjt l’avis des magistrats qui, fort heureusement, la prononcent si peu.
Ces fort pertinentes réflexions étaient, malheureusement, absentes de l’article que Le Monde vient de publier sur le sujet, idéologiquement très orienté, comme il se doit -dans lequel entre autres, l’auteur tente de se rassurer sur ce faible nombre de condamnations prononcées en faisant le parallèle avec le travail d’intérêt général dans ses premiers pas… La différence est que le T.I.G. était une peine (si c’en est vraiment une…) tout à fait nouvelle, alors que tous les échos qui remontent des tribunaux confirment que les magistrats -ceux, en tout cas, qui ne chaussent pas les lunettes militantes d’un journaliste du Monde-, ne voient pas l’avantage de la formule par rapport au sursis avec mise à l’épreuve… D’autant que, par rapport la version initiale pure et dure du texte, la rédaction définitive a été édulcorée, donnant à cette fausse innovation, si discutable qu’elle soit dans sa philosophie, l’allure d’un doublon, sinon d’un simple gadget pour posture politique et médiatique. Ceux qui la prononcent le font par zèle militant ou suivisme par rapport à des parquets pressés par leur hiérarchie de complaire à leur ministre. Quant aux études d’impact… On se souvient que Cicéron s’étonnait que deux augures ne pussent se regarder sans rire : on peut transposer cela aux gens qui feignent de prendre au sérieux cet exercice de rédaction pour « grouillots » de cabinet destiné à vanter la marchandise (imagine-t-on une telle étude justifiant l’inutilité d’un projet de loi ?! Il faudrait, un jour, une étude universitaire pour comparer systématiquement ce qu’annonçaient de tels documents et ce qu’il en est advenu dans les faits : on serait édifié…).