POLICE

Plusieurs personnes m’ont fait savoir, par des vecteurs divers, qu’ils regrettaient le silence, il est vrai prolongé depuis plusieurs mois, de ce blog. Si je suis sensible à leur intérêt et les en remercie, je souhaite aussi :
1) Leur rappeler l’éditorial du Blog et leur suggérer de le (re)lire.
2) Leur dire qu’en 2017 j’ai publié la 4ème édition de mon ouvrage de Droit pénal général et la 3ème édition de mon ouvrage de Procédure pénale et donné à Dalloz le texte de la 8ème édition de mon ouvrage de Droit pénal spécial. Il est surement possible de faire plus et mieux, mais pas pour moi.
3) Signaler en passant que je viens de consacrer quelques jours à un séjour dans un hôpital parisien dont je suis ressortie avec le ferme conseil de lever le pied ce dont quelques mauvais esprits diraient que c’est sans doute la raison pour laquelle je m’empresse de faire le contraire, ce qui ne serait pas tout à fait exact.

La raison de ces très brèves observations, au-delà de la volonté de dire à ceux que cela intéresse, que je suis toujours là, tient aux événements survenus dans la nuit de la Saint-Sylvestre et aux réactions qu’ils ont suscitées.

Il est, d’abord assez surprenant d’entendre un Ministre de l’Intérieur qui pourtant n’est pas des plus mauvais, déclarer que les festivités de la Saint-Sylvestre se sont globalement bien passées avec très peu d’incidents à déplorer quand on sait qu’il y a eu 1031 véhicules incendiés et 510 personnes arrêtées alors qu’il n’y en avait eu, l’année précédente avec un autre Président, un autre gouvernement et un autre ministre de l’intérieur, que 935 et 456. Ajoutons qu’il est grave qu’un ministre de l’intérieur qualifie des incendies volontaires d’« incidents » alors qu’ils constituent des infractions que le Code pénal de 1992 a eu le grand tort de disqualifier en délit et non plus en crime alors que c’est le moyen de plus efficace pour tuer le plus de personnes possibles entre les victimes visées, les secouristes et les passants.

Mais c’est surtout ce qui s’est passé à Champigny qui ne peut permettre à personne ayant un tant soit peu à voir avec la sécurité et la justice de ne pas se manifester et surtout pour en rechercher les causes.

Le 18 mai 2016 quelques criminels (au sens exact du terme, je vais y revenir) avaient jeté, dans un véhicule de police un fumigène qui embrasa la voiture dont l’occupant réussi à s’extirper sans faire usage de son arme. Le 19 septembre 2017, les agresseurs ont été jugés par le tribunal correctionnel de Paris ce qu’aucun professeur des facultés de droit ne peut réussir à comprendre tant les faits constituaient, à l’évidence, selon les principes les mieux établis du droit pénal général, du droit pénal spécial et de la procédure pénale, une tentative de meurtre relevant de la cour d’assises.
Certes, il est toujours difficile de prouver la volonté de tuer qui permet de retenir l’homicide ou la tentative d’homicide volontaire puisqu’elle relève du for interne. C’est pourquoi la jurisprudence a mis au point un principe permettant de déduire cette volonté de la constatation de certains faits. La jurisprudence dominante déduit, en effet, l’intention coupable de la coexistence de l’emploi de certains moyens particulièrement dangereux ou efficaces et donc susceptibles d’entrainer la mort lorsqu’ils atteignent certaines parties du corps : tirer une balle dans le cœur de quelqu’un démontre qu’on voulait tuer la victime. Il est dès lors parfaitement clair que mettre le feu à un véhicule contenant une ou plusieurs personnes qui réunit l’utilisation d’un moyen particulièrement dangereux (un incendie) qui menace la vie des occupants du véhicule est une tentative de meurtre. Au résultat de l’étrange qualification retenue, comprise du seul parquet qui a diligenté les poursuites, la plus grave des peines prononcées a été de sept ans d’emprisonnement (mais avec seulement trois ans fermes lesquels se sont transformés en vingt-six mois au résultat de la déduction de la détention provisoire).
Si cette attitude ne peut être comprise des juristes confirmés, elle a, en revanche été reçue cinq sur cinq par les voyous concernés car nous nous trouvons dans la même situation à Champigny ou il est possible de penser que la perspective de la cour d’assises aurait possiblement limité l’enthousiasme des assaillants car donner des coups de pieds dans la tête de quelqu’un qui ne peut ni fuir ni se défendre constitue manifestement une tentative de meurtre. Mais les décisions rendues auparavant ayant donné aux intéressés l’assurance que quoiqu’il arrive, cela ne serait pas retenu ne pouvait que les encourager. Quand les policiers accusent la justice de laxisme on peut difficilement leur donner tort, au moins pour une partie d’entre elle. Il sera donc intéressant de voir si les parquets sont capables d’apprendre de leurs erreurs et quelle qualification ils retiendront dans l’autre affaire d’incendie de véhicule de police en attente de jugement (et dont une des victimes n’est pas encore sortie d’affaire un an et demi après les faits) ainsi que dans l’affaire de Champigny. Et cela d’autant plus que les conséquences de ces derniers faits ont miraculeusement été très limitées ce qui ne se confond nullement avec la notion de tentative qui ne dépend pas de ce qui est arrivé mais de ce qui pouvait arriver et que le délinquant recherchait : il peut y avoir tentative de meurtre alors même que la victime n’a pas eu la moindre égratignure du moment que l’agresseur cherchait à la tuer.
Certains pourraient éventuellement prétendre qu’en exerçant des violences sur les policiers leurs assaillants voulaient manifestement leur faire du mal mais pas les tuer. Ce serait oublier un autre principe du droit pénal général, celui du dol indéterminé : L’agissement étant volontaire et le dommage prévisible on présume que si, ayant été prévu il n’a pas été évité, c’est qu’il a été voulu.

Mais si ces affaires sont choquantes, pour ne pas dire plus, elles ne font que démontrer ce que j’ai eu l’occasion de dénoncer à plusieurs reprises ici même : l’absence d’une politique pénale d’ensemble mettant au cœur de ses préoccupations la lutte contre la violence, sous toutes ses formes, alors que celle-ci est aujourd’hui la plus pressante de toutes les nécessités pénales. Or si l’on nous annonce, sans date, d’ailleurs, la mise en œuvre par le ministère de la Justice de cinq chantiers prioritaires qui ne sont pas sans intérêts, il s’agit une fois de plus de questions isolées et diverses parmi lesquelles rien n’est dit ni d’une politique pénale d’ensemble, ni de lutte contre la violence si ce n’est ce qui concerne le terrorisme qui n’est qu’une petite, certes la plus spectaculaire mais petite tout de même, numériquement, partie du problème.
Disons-le aux policiers, je n’ai jamais beaucoup cru à l’efficacité des peines planchers pas plus, d’ailleurs, qu’à la réelle et considérable absence de places de prison car si l’on sortait de détention tous les auteurs d’infractions autres que de violence pour lesquels (et lesquelles) il est possible de mettre en place des peines tout aussi désagréables mais exécutées en liberté on pourrait en récupérer tout de suite un certain nombre. Je crois, en revanche à la nécessité de durcir considérablement et en tous domaine le régime des infractions violentes (définition des sanctions – je ne crois aux vertus de l’emprisonnement que pour les infractions de violence, celles qui atteignent ou menacent l’intégrité des personnes – ; conditions d’application; principe de détention provisoire beaucoup plus large; diminution, limitation ou suppression des mesures de faveurs sous forme de sursis, remises de peines, etc…, mise à exécution immédiate, effective et intégrale des peines prononcées qu’on incitera à moins s’éloigner des maxima prévus; possibilité d’une rétention de sureté supplémentaire dans les cas les plus graves, etc…). Mais cela suppose une réécriture de la quasi-totalité du Code pénal et d’une grande partie du Code de procédure pénale. Cela impliquerait donc qu’on cesse de perdre du temps et qu’on se mette rapidement au travail avec des méthodes elles aussi renouvelées. Pour autant que je sache, certains ont déjà une partie de tout cela prête et il suffirait de la leur demander.

Et il est difficile de ne pas prendre pour une blague (de mauvais goût !) l’annonce simultanée de la mise en place en prison de téléphones dans chaque cellule ce qui donne raison à une revendication du (certains diraient « de la » ce à quoi je me refuserai toujours) contrôleur (contrôleure, contrôleuse ???) des lieux de détention. Quoiqu’on nous dise et pour une infinité de raisons un contrôle réel des personnes appelées (la personne qui est au bout du fil n’est pas forcément l’abonné seul autorisé à communiquer) comme du contenu des communications (ignore-t-on la possibilité de « codes » ?) est impossible. Nous allons donc fournir aux détenus le moyen de préparer tranquillement en étant au calme, nourris, logés, formés et distraits, la continuation de leur activité professionnelle. Et si l’on fait cela c’est parait-il pour éviter la prolifération en prison de téléphones portables interdits. Ne serait-il pas plus simple de les empêcher de rentrer notamment en rétablissant la séparation dans les parloirs, dont la suppression a été une grave erreur, et en procédant à des fouilles systématiques après visite ? Et si cela donne trop de travail au personnel on pourrait ajuster le nombre de visites, pour certains, au moins.

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